Quand le Parti démocratique gabonais chasse ses dissidents
- Martial Idoundou

- 30 août 2017
- 3 min de lecture
La naissance en 2015 du Mouvement gabonais pour Ali Bongo Ondimba (MOGABO) était un signe avant-coureur de la crise au sein PDG. Ce courant réunissait la quasi-totalité des jeunes proches du Président et se proposait de magnifier son bilan à la tête du Gabon, ses promoteurs reprochant aux instances du parti une sorte d'asthénie.

La crise éclate au grand jour un mois plus tard avec la naissance d'un autre courant, Héritage et Modernité, qui se plaint des « profito-situationnistes » qui auraient pris le président de la République en otage. Prenant alors la mesure de la crise latente, celui-ci dissous les deux courant, et reçoit les frondeurs d’Héritage et Modernité à la mi-août 2015. A l'issue de la rencontre, les membres du comité permanent du bureau politique du PDG, Michel Essonghé et Paul Biyoghé Mba sont nommés à la tête d'un comité technique chargé de préparer le congrès de clarification réclamé par le courant Héritage et Modernité.
Lors que la tension semble être descendue, une figure de proue d’Héritage et Modernité, Serge Mabiala, est arrêté à son domicile à la mi-septembre 2015, sur une plainte du directeur des impôts déposée au parquet du tribunal spécial de lutte contre la délinquance économique et financière (une juridiction créée par décret présidentiel). Serge Mabiala, ex ministre de la Fonction publique est alors accusé de détournements de fonds publics lorsqu'il était chargé des grandes entreprises à la direction générale des impôts. Les autres membres du courant Héritage et Modernité réclament sa libération immédiate, menaçant de se radicaliser.
Le détenu ne sera libéré qu'après cinq mois de détention préventive. Entre temps, le président de la République a nommé un nouveau gouvernement le 11 septembre 2015. Le débat fait rage sur la nécessité pour le Premier ministre, le même depuis janvier 2014, d'aller faire une nouvelle déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale où les députés l'attentaient avec une motion de censure.
Relations conflictuelles
Un nouveau groupe parlementaire, soutenant l'action du gouvernement, voit le jour. Il se réunit dans un hôtel et publie une déclaration de soutien explicite. Des rumeurs de dissolution de l'Assemblée nationale commencent alors à s'ébruiter. Dans le même temps, une proposition de loi déposée par un opposant réussi à obtenir le vote en commission, alors même que l'opposition est minoritaire. L'initiative de cet opposant, Narcisse Massala Tamba, vise à supprimer la disposition du Code électoral qui oblige tout membre d'un parti politique, exclu ou démissionnaire, à observer un délai de quatre mois avant de pouvoir prendre part à une élection. De tractation en tractation, le PDG parvient à bloquer la proposition de loi en plénière.
Reste le vote de la Loi de Finance. Des rumeurs laissent entendre que les frondeurs seraient majoritaires à l'Assemblée nationale, et qu'ils rejetteraient le projet de budget national. Ce qui équivaudrait à une motion de censure. A la fin de la session en décembre 2015, la Loi de Finance passe. Mais la tension perdure, la commission des lois ayant refusé de faire ratifier une ordonnance du président de la République. Le répit dans les relations conflictuelles entre l'exécutif et l'Assemblée nationale ne survient qu'à l'intersession parlementaire.
Le silence du comité technique n'est pas pour arranger les choses. Il ne parle plus du congrès de clarification. Il se susurre que le courant Héritage et Modernité réclamait ce congrès pour s'emparer du parti et faire désigner un candidat autre que Ali Bongo à l'élection présidentielle. Ce qui passait par la modification des textes, car l'article 29 du règlement intérieur dispose que « le distingué camarade est le candidat naturel s'il est président de la République. » Ce qui est le cas d'Ali Bongo.
Scission
Le refus d'organiser le congrès de clarification pousse Héritage et Modernité à la radicalisation. Pour la plupart des députés, ses membres attendront la rentrée parlementaire pour prendre leurs distances avec le PDG. Ils organisent ainsi un congrès de scission à Libreville le 10 mars 2016. Le courant fait sa mue et devient un parti politique, le Rassemblement Héritage et Modernité (RHM), qui annonce qu'il présentera son candidat à l'élection présidentielle du 27 août 2016. Informé la veille de ce qui se trame, le bureau politique du PDG a exclu du parti les députés Michel Menga, Alexandre Baro Chambrier et Jonathan Ignoumba, considérés comme les meneurs de la dissidence.
Conformément à la promesse faite le jour de sa création, le Rassemblement Héritage et Modernité va investir le 1er mai 2016 son candidat à l'élection présidentielle, à l'issue d'un congrès tenu à Libreville. Il s'agit de Guy Nzouba Ndama, président de l'Assemblée nationale de 1997 au 31 mars 2016, jour de sa démission du Perchoir. Celui-ci avait pris soin d'annoncer son départ du PDG et fait sa déclaration de candidature à l'élection présidentielle.




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