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Entretien avec Jean-Fidèle Otandault, directeur général du Budget gabonais

  • Photo du rédacteur: Mouftaou Badarou
    Mouftaou Badarou
  • 30 juin 2016
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 15 févr. 2023

Le choix d’une personne inconnue dans la haute administration économique et financière locale ne pouvait que susciter la curiosité de ses futurs collaborateurs et interlocuteurs. Le promu en était conscient et savait qu’il devait convaincre. Après un temps d’observation relativement court, l’expert-comptable, par ailleurs commissaire aux comptes immatriculé à la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), a conclu que le Contrôle financier avait besoin d’une réforme en profondeur au Gabon. Il en a convaincu les plus hautes autorités et le service s’est mué en Direction générale du contrôle des ressources et des charges publiques (DGCRCP).


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Propos recueillis par Mouftaou Badarou


Mr le Directeur Général, quelles sont aujourd'hui les avancées significatives enregistrées en matière d'amélioration des finances publiques gabonaises ?

A mon sens les avancées enregistrées ces dernières années en matière de gestion des finances publiques concernent d’une part le changement du cadre de gestion et d’exécution budgétaire induit par la mise en place de la budgétisation par objectifs de programme (BOP) et d’autre part, la réorganisation des services pour un fonctionnement plus efficient de la chaîne de la dépense.


En ce qui concerne la BOP, son entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2015 a marqué une étape majeure dans la réforme des finances publiques engagée depuis 2010 au Gabon.


La BOP est une réforme conçue et mise en œuvre sous l’impulsion du Président Ali Bongo Ondimba, afin de transformer en profondeur la façon dont est préparé, voté et exécuté le budget de l’Etat. C’est sous l’autorité du Chef de l’Etat qu’une première loi organique, relative aux lois de finances et à l’exécution du budget, est prise en 2010, pour préparer les outils qui permettront un basculement effectif en 2015.


Au plan technique, la BOP est une réforme lourde et exigeante qui implique des aménagements profonds, qu’il s’agisse du système d’information, des méthodes de management, des mentalités ; elle requiert par conséquent de nombreux outils de mesure et de contrôle dans tous les domaines de la gestion des finances publiques.


Au plan de la réorganisation administrative, vous aurez probablement noté depuis quelques années des changements, toujours dans un souci d’efficience dans l’action des services et d’optimisation dans la gestion des deniers publics.


Ainsi, en 2014 il y a eu la création de l’Agence Judicaire de l’Etat (AJE) dans l'objectif de défendre les intérêts de l'Etat dans les procédures engagées, et faire baisser le coût du contentieux impliquant l’Etat.


Puis il y a eu la création de la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor (DGCPT) qui parachève la déconcentration de la fonction de comptable principal de l’Etat et met fin à un modèle organisationnel qui datait de 1965. Elle consacre le partage de la fonction comptable avec l’ordonnateur et une nouvelle organisation du réseau comptable.


En 2015 la Caisse des Pensions et des Prestations Familiales des Agents de l’Etat voit le jour, pour permettre une gestion plus dynamique des pensions des agents de l’Etat.


Enfin, 2015 est également l’année de création de la Direction Générale du Budget et des Finances Publiques par la fusion des trois anciennes directions générales qui intervenaient principalement dans la phase administrative de la dépense (Budget, Contrôle des Ressources et des Charges Publiques et Marchés Publics). L’idée était de proposer un guichet unique et répondre aux préoccupations des usagers qui étaient confrontés à un circuit de la dépense trop complexe, lent et source de beaucoup d’incompréhensions, autant de faiblesses qui entravaient la bonne exécution des programmes d’investissement et le bon fonctionnement des services publics.


« Nous veillons rigoureusement au respect des exigences du Code des marchés publics… »


L'audit des instances du Trésor que vous avez piloté a fait économiser 650 milliards FCFA à l'Etat gabonais. A quoi a servi cet argent économisé ?

Sur instruction du Chef de l’Etat, une autre mission d’audit des instances du Trésor public réalisée par l’ancienne Direction Générale du Contrôle des Ressources et des Charges Publiques (DGCRCP), avait été diligentée.


Cette mission qui a porté sur l’examen de plus de 2000 milliards de FCFA d’instances au trésor s’est notamment matérialisée par une économie de plus de 650 milliards de F CFA pour l’Etat. Les économies dégagées ont ainsi permis de soulager notre trésorerie et d’orienter nos ressources vers la mise en œuvre de projets structurants, notamment en ce qui concerne les investissements lourds. Mais vous comprendrez également que la politique sociale très ambitieuse du Chef de l’Etat à l’endroit de ses compatriotes a un coût, même si d’ordinaire on dit que « lorsqu’on aime on ne compte pas ». J’imagine donc que les marges dégagées ont également permis de financer les projets sociaux destinés à nos compatriotes.


« Nous payons principalement aujourd’hui certaines erreurs du passé qui malheureusement ont eu des conséquences durables sur notre trésorerie. »


Les techniques de fraude que vous avez détectées sont, entre autres, la surfacturation, les marchés publics fictifs, les créances fictives détenues par des entreprises sur l'Etat. Quels sont les mécanismes de prévention de ces dérives ?

Lors de l’audit des instances au Trésor, nous avons auditionné près de 400 entreprises et à l’issue de ces séances de travail, des indices concordants ont permis de déceler de nombreux cas de surfacturation. Cela a conduit les services à établir une liste d’entreprises à surveiller particulièrement.


Par ailleurs, nous veillons rigoureusement au respect des exigences du Code des marchés publics en ce qui concerne les procédures de passation ainsi qu’en matière de contrôle des prix. Il faut également savoir que des travaux sont actuellement en cours pour permettre une plus grande synergie entre les applications métiers de la DGBFiP, du Trésor et des Impôts, pour maintenir la pression sur les potentiels fraudeurs.


Le Gabonais lambda ne comprend pas pourquoi l'Etat n'honore pas à temps ses engagements vis-à-vis de ses prestataires.

Nous payons principalement aujourd’hui certaines erreurs du passé qui malheureusement ont eu des conséquences durables sur notre trésorerie. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui ne sont pas nés aujourd’hui.


En principe, les marchés doivent être passés dans le strict respect des dispositions du Code des marchés publics. Pourtant, nous observons aujourd’hui qu’un grand nombre de prestations litigieuses n’avaient pas fait l’objet d’un engagement régulier et n’avaient même pas été régulièrement approuvées, et même lorsque tel était les cas, de nombreuses prestations n’avaient pas été réalisées. Certains de ces prestataires, après avoir agi en toute illégalité, viennent ensuite se prévaloir d’une dette de l’Etat à leur égard.


Cette expérience rallonge les délais d’examen et de traitement des dossiers. Nous devons faire attention ! Du fait des mécanismes de fraudes et de surfacturation que vous avez-vous-même évoqués, la trésorerie a été en grande partie absorbée par le paiement de la mauvaise dépense. Il y a eu un effet d’éviction de la mauvaise dépense sur la bonne dépense.


Mais dans le même temps, j’aimerais vous faire remarquer que pour ce qui est des prestations récentes, ce dont vos confrères ne parlent pas assez, l’Etat respecte ses engagements. Pour preuve, à la mi-mai 2016, l’Etat a consacré près de 32 milliards au règlement des entreprises pour les prestations qui étaient à régler au 30 décembre 2015. Cela va continuer.



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