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Belinda Ayessa, directrice générale du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza :

  • Photo du rédacteur: Mouftaou Badarou
    Mouftaou Badarou
  • 15 juil. 2014
  • 4 min de lecture

« … Je fais partie de ceux qui sont prêts à mourir pour leurs idéaux, pour la mission qui leur a été confiée … »


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Que répondez à ceux qui trouvent disproportionné cet hommage rendu par l’État congolais à Savorgnan de Brazza à travers ce joyau architectural qu’est le Mémorial ?

Cela fait huit ans que ça dure quand même, ces critiques. Je ne dirai pas qu’on en a marre d’entendre tout ça. Je dirai tout simplement que les gens se posent des questions, à juste titre. Je crois qu’il faut expliquer la nécessité et l’importance des choses aux gens. Il faut leur dire que beaucoup a été fait en un laps de temps court. Et c’est ce que nous nous attelons à faire depuis huit ans.


Nous n’avons pas d’avenir si nous ne nous référons pas au passé, Nous ne pourrions pas prétendre à un présent stable et à un futur certain, si nous n’acceptons pas notre histoire telle quelle.


À l’entrée du Mémorial, vous verrez sur les écrans combien ce lieu est pris d’assaut par les Congolais. Surtout en période de fin d’année, nous arrivons à 30 000 voire 40 000 visiteurs. Parfois les forces de l’ordre sont obligées de bloquer les voies principales d’accès au Mémorial, pour éviter les débordements. Tout cet engouement est le signe que notre message porte, que les Congolais se sont appropriés cet édifice.


Les critiques ont un peu raison, non ?

Pas du tout. Et ce qui est dommage, c’est que malheureusement, les critiques de détracteurs émanent parfois non pas en dehors du système, mais à l’intérieur ! Les médisants ne se rendent pas compte que leurs actes peuvent rejaillir sur leur descendance, et sur des décennies entières. Moi, je crois aux lois de la nature, c’est-à-dire qu’on récolte ce que l’on a semé. C’est dire que les médisants n’entament pas notre combativité, bien au contraire. Je fais partie de ceux qui sont prêts à mourir pour leurs idéaux, pour la mission qui leur a été confiée ! Car, chacun de nous a une mission sur cette terre. L’homme doit aller au bout de ce qui lui a été confié. Bien évidemment, il faut faire preuve de ténacité pour y parvenir. Et surtout de beaucoup de sagesse.


Reconnaissez quand même que cet hommage fait à un étranger est disproportionné ! Un tel hommage devait plutôt être rendu aux figures emblématiques de l’histoire du Congo !

Hommage disproportionné à Savorgnan de Brazza ? Non ! Ceci est normal. Notre capitale porte bien le nom de cet illustre explorateur qui a fondé Brazzaville en 1880, et qui a brillé par son humanisme. C’est bien lui qui a signé le Traité d’amitié avec le roi Makoko Ilo, à Mé, capitale des Tékés, à 238 km de Brazzaville. C’est ce Traité qui mit le Congo sous protectorat de la France. Les descendants du roi Makoko nous ont appris que Savorgnan de Brazza n’était pas venu à la conquête d’un peuple, mais à la rencontre de celui-ci. Il a traité les gens qu’il a rencontrés d’égal à égal, avec respect. Quand les populations ont appris sa mort, ce fut la consternation dans toutes les contrées, notamment dans les contrées Batéké.


Mais pourquoi un édifice aussi majestueux voire pharaonique ?

Cet édifice est en effet imposant. Il est simplement à la dimension de l’hommage rendu par le Congo à Savorgnan de Brazza. Même si cet édifice n’était pas aussi grand, on serait tout autant parvenu à rendre un grand hommage à l’homme. On peut vous donner une petite chose, et c’est à vous d’y attiser la grandeur. Nous, nous avons insufflé une âme au Mémorial, ce qui donne l’impression que nous en avons trop fait.


Et vous, en acceptant de diriger ce Mémorial, quelle est votre démarche personnelle ?

Écoutez, je pense qu’il y a des choses qui nous dépassent, des choses que l’on ne décide pas forcément. On suit le destin, et c’est tout. Effectivement rien ne me prédestinait à diriger ce Mémorial, ça m’est tombé dessus, et je l’assume, sans trop me poser des questions.


Cela vous est tombé dessus ? Comment donc ? On a quand même le choix d’accepter les missions !

Oui, c’est vrai, on a le choix. Je dis que ça m’est tombée dessus, parce que j’ai réalisé une interview avec le 16e roi Téké, j’étais à l’époque directrice Des Dépêches de Brazzaville. L’interview mise en ligne a été lue par des descendants indirects de Savorgnan de Brazza. Je dis indirects parce que Savorgnan de Brazza n’a pas eu de descendants directs, car tous ses enfants n’ont pas eu d’enfants à leur tour. Donc c’est l’arrière petit neveu de Savorgnan de Brazza qui est venu au Congo solliciter le rapatriement des restes de son aïeul d’Alger à Brazzaville.


Aujourd’hui, quel grand rêve nourrissez-vous pour ce Mémorial ?

Grand rêve, non. Mon combat, ma vocation, ma mission, c’est juste de montrer aux Congolais combien Savorgnan de Brazza était un humaniste. Mon deuxième combat, c’est de faire réaliser aux Congolais qu’il est important qu’ils se réapproprient leur histoire. Certes, notre histoire ne commence pas avec Savorgnan de Brazza, elle a commencé bien avant. Mais, elle était orale. Que faut-il faire pour récupérer cette histoire orale ? Il convient de se rapprocher des témoins encore vivants de notre histoire.


Mon autre challenge, avec la contribution de la compagnie pétrolière ENI, c’est la réalisation d’un complexe culturel Savorgnan de Brazza, qui sera un véritable lieu de culture, un véritable creuset d’activités culturelles et scientifiques. Cela sera un lieu très très vivant, avec un amphithéâtre, une grande salle de conférence, un musée, une galerie, une véritable bibliothèque. Les travaux commenceront d’ici le mois de septembre à cent mètres de cet endroit et s’achèveront avant fin 2016.


Propos recueillis à Brazzaville par MOUFTAOU BADAROU

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